₪ MON HISTOIRE ₪
- Passé :Les Choses sont toujours ce qu'elles paraissent...
Dès sa naissance, les choses étaient compliquées pour la petite fille en devenir. Le sémillant chef de la Police de Los Angeles en ce temps là, Charles Beckett, voulait un garçon, à tel point qu'il avait voulu que sa femme avorte pour retenter une fécondation "réussie". Ce fut leur seule dispute en des années de mariage durant lesquelles, Katherine avait appris à se taire pour ne pas être privée de ses loisirs et de ses fonctions auprès de son mari. Charles avait cédé pour la simple et bonne raison qu'il pensait pouvoir utiliser sa fille pour se garder des relations plus étroites avec d'autres hauts dignitaires de la ville. Cette réaction complètement inhumaine ne choquait personne dans la maison, ou personne ne le montrait. Les temps devenaient de plus en plus durs et les places étaient de plus en plus chères, surtout en ce qui concernait le service. La grande maison Beckett était un manoir où les employés allaient et venaient au gré de l'humeur de son maître.
Une seule employée restait immanquablement à l'appel, une petite mexicaine un peu plus jeune que la maîtresse de maison. Personne n'en doutait, encore moins Katherine, de la place qu'occupait la servante dans la vie de Charles et lui, encore moins que quiconque, s'en cachait dans le manoir. Les Maîtres faisaient chambre à part sauf quand Charles avait décidé qu'il fallait se reproduire. Katherine ne disait rien, vivant ses propres frasques dans le dos de son mari avec ses divers employés masculins. La politique de la maison était de ne surtout pas ébruiter les relations hors mariage qui se multipliaient souvent. Les employés "remerciés" étaient grassement payés pour leur silence. Charles avaient les moyens et ne lésinait pas dessus pour garder son image brillante et tellement nette aux yeux de la société. Quand Alice y repensait, l'envie de vomir la submergeait à chaque fois et elle haïssait son vieux encore plus !
Mais avant d'en arriver à le haïr, comme tous les enfants, elle avait voulu lui plaire pour se faire aimer de lui. Etant petite, elle ne les voyait jamais lui et sa mère. Elle était élevée par la servante mexicaine qui lui vouait indifférence et mépris, car Alice était l'enfant qu'elle avait toujours voulue avoir. La petite fille d'alors ne comprenait pas et tentait de gagner un coeur, n'importe lequel, dans la maison. Le cuisinier était peut-être la seule personne amicale dans le manoir froid et poli. Tous les jours, Alice se rendait en secret dans la cuisine lorsque la servant s'absentait, ce qui arrivait de plus en plus souvent aux alentours de ses cinq ans. La petite fille était laissée quasiment sans surveillance et se précipitait dans le coeur du manoir pour parler à son seul ami : Pedro, un cuisinier italien qui travaillait pour son père depuis des années. Le sourire revenait sur les lèvres d'Alice à chaque fois qu'elle pouvait le rejoindre, lui et ses commis, qui se pliaient toujours en quatre pour lui faire plaisir et la faire rire. Ainsi étaient plus douces ses après-midi, au lieu des sempiternelles leçons de savoir-vivre que lui prodiguait sa préceptrice, la servante mexicaine.
Jusqu'au jour où l'entrée de la cuisine lui fut interdit. Alice ne le savait pas, mais une fouille-merde à la botte de la servante l'avait espionnée et avait donné son compte-rendu à sa maîtresse qui s'était empressée de tout dire au Sieur Charles Beckett. Ce dernier avait renvoyé Pedro avec perte et fracas accompagnés de menaces sur les conséquences des choses s'il révélait ne serait-ce qu'une seule chose sur les activités du manoir. Tout le monde sauf Alice, trop petite pour comprendre, savait pour la grossesse de la mexicaine et cela révoltait silencieusement pas mal de monde, même si la femme légitime ne disait rien, tant que les frasques de son mari restaient secrètes.
L'absence de Pedro et sa bonne humeur pesait incroyablement lourd dans le coeur de la petite fille. Les journées s'allongeaient pour devenir incroyablement longues et sans saveur. Les larmes avaient vite cédé le pas à une expression vide et soumise. Elle faisait simplement ce qu'on attendait d'elle, même si tout son être criait à l'intérieur qu'elle voulait être libre. Ayant l'impression d'être cloisonnée, Alice ne faisait même plus attention aux bruits autour d'elle, même pas aux cris de bébé qui pourtant se faisaient pas mal entendre. La petite fille céda alors le pas à la jeune fille, puis à la femme qui avait cédé depuis longtemps aux "lavages de cerveaux" du Manoir...
Quand vient l'heure du réveil...
Alice Beckett, membre éminent de la Police de Los Angeles. Elle venait d'être promue au grade d'Officier en sortant de l'école. Ayant suivi les traces de son père, elle espérait vivement que celui-ci lui donne enfin la place dans sa vie qui lui revenait de droit. Elle voulait emporter son approbation et celle de sa mère, mais plus elle faisait d'efforts, plus elle voyait ses parents s'éloigner d'elle. Mais cela ne la choquait pas outre-mesure, ayant été conditionnée à ça depuis son enfance et elle se disait qu'il fallait faire encore plus d'efforts pour tenter d'avoir leurs regards fiers tournés vers elle. Montant les grades comme si elle montait des escaliers, sa confiance en elle de plus en plus renforcée virant à l'orgueil, Alice avait conscience de ne plus trop avoir sa langue dans sa poche et commençait à vivement opposer son avis à propos de tout et de rien. Son caractère s'affirmait de plus en plus et elle constatait avec étonnement qu'elle aimait ça, à chaque fois un peu plus, à tel point qu'elle commençait à s'opposer violemment à ses patrons lorsqu'elle jugeait une décision inappropriée.
Sa nouvelle attitude ne plaisait pas à tout le monde. Ses patrons se mordaient les doigts de l'avoir trop rapidement montée en grade mais ses capacités étaient là, Alice était un bon flic malgré ses rapports conflictuels de plus en plus nombreux avec l'autorité patronale. Mais Alice s'en moquait. Le goût de la "liberté" était devenu comme une drogue pour la jeune femme trop muselée jusqu'alors et elle avait de plus en plus de mal à croire qu'elle était aussi mièvre "avant". Pourquoi devait-elle se taire davantage ? Plus personne n'était derrière pour surveiller ses moindres faits et gestes et elle avait vraiment envie de vivre sa vie sans entrave...
Ce fut sans compter son père qui la fit appeler un jour. Se rendant à son bureau, Alice n'avait plus peur de rien, son nouveau statut lui conférait une présence assez imposante qui, elle l'espérait, saurait convaincre son géniteur qu'il pouvait être fier d'elle. La déception n'en fut que plus amère. Son père se montra extrêmement courtois mais d'une froideur frôlant l'ère glaciaire, et il la menaça à mots couverts, comme il le faisait avec n'importe qui. Sauf qu'Alice n'était plus n'importe qui ! Elle répliqua avec ses propres mots, choisissant les plus choquants qu'elle puisse trouver. Elle voyait pour la première fois celui qui se targuait d'avoir tout fait pour sa fille en public alors que tout était faux. Charles n'avait de considération que pour lui-même et lui avait même dit qu'il comptait un jour la marier avec le fils d'un de ses "amis", une relation importante qu'il souhaitait s'enchaîner à vie.
Alice en fut écoeurée. Elle cracha son mépris à cet homme et lui annonça qu'il ne devait plus compter sur elle pour jouer la figure de la fille parfaite qui obéissait aveuglément à son papa. Elle avait fait trop de sacrifices au cours de sa vie pour lui plaire et s'en mordait maintenant les doigts. Mais cela ne resterait pas sans écho. Même si son géniteur était beaucoup plus puissant qu'elle, Alice ferait tout pour l'emmerder jusqu'au bout et elle savait comment s'y prendre. Son image était ce qui importait le plus aux yeux de "l'homme", le sobriquet dont elle surnommerait dès à présent son père, et bien maintenant, il ne devra plus s'attendre à ce qu'elle prenne de gant en public. Sa franchise frôlait l'insubordination. Alice ne supportait plus de voir des hommes comme son père diriger la Police de Los Angeles et s'opposait à eux dès qu'elle en avait l'occasion. Cela dura pendant quelques mois, jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus accorder le moindre crédit à ces rats puants.
Alice démissionna. En emportant ses affaires, elle s'était rendue compte que la plupart de ses collègues regrettaient tout de même son départ. Elle n'avait pas vu que ces derniers mois, elle s'était fait quelques fans qui appréciaient ses interventions quand eux ne pouvaient pas ou n'avaient pas les foies pour le faire à sa place. Une ère se fermait derrière elle et une autre s'ouvrait. Elle devint détective à son propre compte. "L'homme" ne pouvait ignorer la condition de sa fille mais il ne manifestait que colère et mépris. Régulièrement, il envoyait un de ses sbires, chaque fois différent, qui lui proposait immanquablement de reprendre son ancien poste dans la Police. Son père souhaitait que l'image à présent gâchée de sa fille reprenne sa place honnorable. Mais Alice ricanait avec mépris devant le sbire et lui renvoyait toujours la même réponse négative. Elle vivait de petites affaires sans importances, comme suivre une piste de robots défectueux, des affaires de tromperies, des recherches sur des origines aussi bien robotiques qu'humaines... Et oui, les temps avançaient avec rapidité et la race humaine dépérissait. Alice n'y était pas insensible mais ce n'était pas sa première priorité.
Elle souhaitait surtout abîmer le plus possible l'image de "l'homme", lequel commençait sérieusement à grincer des dents à chaque refus qu'il subissait. Et à chacun de ces refus, Alice était de plus en plus satisfaite. Mais elle ne doutait pas que viendrait un temps où son père ne se satisferait plus de ses refus répétés. Il tenterait quelque chose de tout à fait inhabituel mais Alice se tenait prête. Elle avait acquis la même manière de réfléchir mais ne se laissait pas avoir dans ce jeu de manipulations. Elle tiendrait tête et ne démordrait plus jamais devant cet homme.
Mais son animosité envers son père passera au second plan devant le dossier qui l'attend tranquillement sur son bureau, un dossier étrange qui ne manquera pas d'attiser son intérêt...